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Confessions d'un enfant du Siècle
6 avril 2008

De natura rerum.

Ainsi en est-il de celui que les traits de Vénus ont blessé, soit que les lui lance un jeune garçon aux membres féminins, ou bien une femme dont tout le corps darde l'amour ; il court à qui l'a frappé, impatient de posséder et de laisser dans le corps convoité la liqueur jaillie du sien, car son muet désir lui présage la volupté. Telle est pour nous Vénus, telle est la réalité qui se nomme amour ; voilà la source de la douce rosée qui s'insinue goutte à goutte dans nos cœurs et qui plus tard nous glace de souci. Car si l'être aimé est absent, toujours son image est prés de nous et la douceur de son nom assiège nos oreilles.

 


Ces simulacres d'amour sont à fuir, il faut repousser tout ce qui peut nourrir la passion ; il faut distraire notre esprit, il vaut mieux jeter la sève amassée en nous dans les premiers corps venus, que de la réserver à un seul par une passion exclusive qui nous promet soucis et tourments. L'amour est un abcès qui, à le nourrir, s'avive et s'envenime ; c'est une frénésie que chaque jour accroît, et le mal s'aggrave si de nouvelles blessures ne font pas diversion à la première, si tu ne te confies pas encore sanglant aux soins de la Vénus vagabonde et n'imprimes pas un nouveau cours aux transports de ta passion.

 


En se gardant de l'amour, on ne se prive pas des plaisirs de Vénus ; au contraire, on les prend sans risquer d'en payer la rançon. La volupté véritable et pure est le privilège des âmes raisonnables plutôt que des malheureux égarés. Car dans l'ivresse même de la possession l'ardeur amoureuse flotte incertaine et se trompe ; les amants ne savent de quoi jouir d'abord, par les yeux, par les mains. Ils étreignent à lui faire mal l'objet de leur désir, ils le blessent, ils impriment leurs dents sur des lèvres qu'ils meurtrissent de baisers. C'est que leur plaisir n'est pas pur ; des aiguillons secrets les animent contre l'être, quel qu'il soit, qui a mis en eux cette frénésie. Mais Vénus tempère la souffrance au sein de la passion et la douce volupté apaise la fureur de mordre.

 


Car l'amour espère que l'ardeur peut être éteinte par le corps qui l'a allumée : il n'en est rien, la nature s'y oppose.
Voilà en effet le seul cas où plus nous possédons, plus notre cœur brûle de désirs furieux. Nourriture, boisson, s'incorporent à notre organisme, ils y prennent leur place déterminée, ils satisfont aisément le désir de boire et de manger. Mais un beau visage, un teint éclatant, ne livrent aux joies du corps que de vains simulacres, et le vent emporte bientôt l'espoir des malheureux. Ainsi pendant le sommeil un homme que la soif dévore mais qui n'a pas d'eau pour en éteindre l'ardeur, s'élance vers des simulacres de sources, peine en vain et demeure altéré au milieu même du torrent où il s'imagine boire. En amour aussi, Vénus fait de ses amants les jouets des simulacres ils ne peuvent rassasier leurs yeux du corps qu'ils contemplent, leurs mains n'ont pas le pouvoir de détacher une parcelle des membres délicats et elles errent incertaines sur tout le corps.

 


Enfin voilà deux jeunes corps enlacés qui jouissent de leur jeunesse en fleur ; déjà ils pressentent les joies de la volupté et Vénus va ensemencer le champ de la jeune femme. Les amants se pressent avidement, mêlent leur salive et confondent leur souffle en entrechoquant leurs dents. Vains efforts, puisque aucun des deux ne peut rien détacher du corps de l'autre, non plus qu'y pénétrer et s'y fondre tout entier. Car tel est quelquefois le but de leur lutte, on le voit à la passion qu'ils mettent à serrer étroitement les liens de Vénus, quand tout l'être se pâme de volupté. Enfin quand le désir concentré dans les veines a fait irruption, un court moment d'apaisement succède à l'ardeur violente ; puis c'est un nouvel accès de rage, une nouvelle frénésie. Car savent-ils ce qu'ils désirent, ces insensés ? Ils ne peuvent trouver le remède capable de vaincre leur mal, ils souffrent d'une blessure secrète et inconnaissable.

 


Ce n'est pas tout : les forces s'épuisent et succombent à la peine. Ce n'est pas tout encore : la vie de l'amant est vouée à l'esclavage. Il voit son bien se fondre, s'en aller en tapis de Babylone, il néglige ses devoirs ; sa réputation s'altère et chancelle. Tout cela pour des parfums, pour de belles chaussures de Sicyone qui rient aux pieds d'une maîtresse, pour d'énormes émeraudes dont la transparence s'enchâsse dans l'or ; pour de la pourpre sans cesse pressée et qui boit sans répit la sueur de Vénus. L'héritage des pères se convertit en bandeaux, en diadèmes, en robes, en tissus d'Alindes et de Céos. Tout s'en va en étoffes rares, en festins, en jeux ; ce ne sont que coupes pleines, parfums, couronnes, guirlandes . . . mais à quoi bon tout cela ? De la source même du plaisir on ne sait quelle amertume jaillit qui verse l'angoisse à l'amant jusque dans les fleurs. Tantôt c'est la conscience qui inspire le remords d'une oisiveté traînée dans la débauche ; tantôt c'est un mot équivoque laissé par la maîtresse à la minute du départ et qui s'enfonce dans un cœur comme un feu qui le consumera ; tantôt encore c'est le jeu des regards qui fait soupçonner un rival ou bien c'est sur le visage aimé une trace de sourire.

 


Encore est-ce là le triste spectacle d'un amour heureux ; mais les maux d'un amour malheureux et sans espoir apparaitraient aux yeux fermés ; ils sont innombrables.  La sagesse est donc de se tenir sur ses gardes, comme je l'ai enseigné, pour échapper au piège. Car éviter les filets de l'amour est plus aisé que d'en sortir une fois pris : les nœuds puissants de Vénus tiennent bien leur proie.

Lucrèce, de natura rerum

En fait, réviser la philo ça va. L'histoire aussi. Mais... il est 19h22 et je n'ai pas encore appris la décolo, l'Asie orientale, le japon, la facade atlantique des Usa et autres enchantements géographiques.

OH. MON. DIEU.

 

lapin

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